Le miracle de Saumur

Le miracle de Saumur, raconté par le Postulateur
D’après une interview sur RCF

Article mis en ligne le 27 novembre 2021
dernière modification le 4 novembre 2021

De la bouche même du Père Bernard Ardura, chanoine régulier de l’Ordre de Prémontré, président du Comité pontifical des Sciences historiques et Postulateur de la Cause de canonisation du Père Charles de Foucauld, voici le récit du miracle accompli à Saumur par l’intercession du Bienheureux Charles de Foucauld, miracle dont la reconnaissance est officielle depuis le 27 mai. Le Postulateur répond ici aux questions de Thomas Cauchebrais, de la radio RCF, le mardi 2 juin, pour l’émission « Au cœur de l’Ouest, l’invité ».

RCF : Charles de Foucauld, religieux français, ermite dans le désert du Sahara entre 1901 et 1916, ancien officier de cavalerie de l’armée française, explorateur, est mort dans des conditions toujours difficiles à élucider pour les historiens ce qui a peut-être empêché la reconnaissance de martyr tué en haine de la foi, nous verrons cela avec vous, Père Ardura, mais avant tout, racontez-nous ce miracle qui s’est déroulé à Saumur en 2016. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Père Ardura : Il faut d’abord commencer par dire que l’année 2016 a été une année tout à fait particulière dans la mesure où il s’agit de l’année du centenaire de la mort de Charles de Foucauld. Il est inutile de dire que, dans tout ce que l’on appelle « famille spirituelle du Père de Foucauld », l’année 2016 a été une année particulièrement marquée par la prière. Le 30 novembre 2016, à quelques heures du centenaire exact de la mort de Charles de Foucauld, à Saumur, où il a vécu pendant un an à l’école de cavalerie, à Saumur qui est l’unique paroisse du diocèse d’Angers qui porte le nom de Bienheureux Charles de Foucauld, une paroisse qui se préparait à célébrer le centenaire de son saint patron, c’est là que s’est produit un fait dont je vais parler maintenant.
Depuis des années, cette paroisse, prie à la fin de chaque messe pour obtenir la canonisation de Charles de Foucauld. La prière s’est faite plus intense dans ce qu’on appelle la neuvaine de préparation à la fête patronale de la paroisse et voilà que, dans le lieu-même où devait se tenir la réunion des paroissiens pour célébrer ce grand anniversaire, là s’est produit le fait miraculeux.
Un jeune apprenti de 21 ans travaillant dans une entreprise de restauration des monuments historiques était avec un ouvrier au-dessus de la voûte de la chapelle de l’Institution Saint-Louis, qui est un grand lycée-collège de Saumur, vraiment très proche de l’école de cavalerie. À un moment donné, l’ouvrier a demandé à ce jeune apprenti de lui apporter un outil. Celui-ci a marché sur la voûte qui s’est ouverte sous ses pas, une ouverture d’environ un mètre carré. Le jeune garçon a disparu ; il a fait une chute de 15 mètres 50. Les techniciens, se fondant sur la force de l’attraction terrestre nous assurent que la chute a duré 1,80 seconde. Le garçon est arrivé à 60 kilomètres à l’heure sur un des bancs de bois qui sont là, dans l’ensemble de la nef de la chapelle. Sous le choc, le banc sur lequel il s’est écrasé a explosé et l’un des montants de bois du banc l’a traversé à la base du thorax.
Le garçon s’est relevé immédiatement, s’est dirigé vers une porte de sortie de la chapelle qui donne dans le couloir où se trouvent les bureaux d’administration du lycée. Après une assez longue attente, il a été conduit à l’hôpital universitaire d’Angers où il a été opéré. L’opération a consisté essentiellement a enlevé ce morceau de bois assez impressionnant, sans qu’il y ait d’hémorragie, et l’apprenti s’en est tiré avec une côte cassée. Une semaine plus tard, il quittait l’hôpital ; deux mois plus tard, il reprenait peu à peu son travail et il se trouve aujourd’hui en parfaite condition avec une absence totale de conséquences ou bien physiques ou bien psychologiques.

RCF  : Quelles sont les raisons tangibles qui vous font dire que c’est par l’intermédiaire de Charles de Foucauld que cet accident, qui aurait pu être très grave, s’est finalement bien déroulé ? Est-ce que ce jeune ouvrier était croyant, était catholique, avait prié le Père de Foucauld ? Qu’est-ce qui vous faite dire que c’est lui ?

Père Ardura  : Vous posez les questions essentielles. Ce que je viens de décrire auparavant, c’est le dossier technique, c’est ce qui a d’abord été examiné par deux et même trois médecins, à Angers, au cours de l’enquête diocésaine. Ces médecins ont dit : - Normalement, il aurait dû mourir. Au-delà de dix mètres c’est à peu près certain ; on a moins de deux chances sur cent de ne pas mourir. Voilà pour l’aspect technique.

Le P. Bernard Ardura, O.Praem.
Postulateur de la Cause de Charles de Foucauld
en mars 2019, à la Nonciature de Paris
Crédit : LT2019

Vient ensuite le rôle de la Postulation. Une fois que l’on a démontré qu’il s’agit d’un fait extraordinaire, il faut prouver le reste. Il faut bien voir une chose, c’est que tout cet événement s’est produit au bout d’une année spécialement marquée par la prière pour demander la canonisation de Charles de Foucauld. Dans cette paroisse, je le redis, on prie tous les jours à la fin de chaque messe pour demander la canonisation de Charles de Foucauld. Et cet événement, arrivant au moment même du centenaire de la mort de Charles de Foucauld, dans un lieu où Charles de Foucauld a vécu, dans un lieu qui est l’unique paroisse consacrée à Charles de Foucauld, est arrivé à un jeune garçon qui s’appelle Charle [NDLR : le prénom de ce jeune homme est bien Charle, sans « s » final]. Et ce garçon est un garçon qui n’est pas baptisé.

RCF : Est-ce que le fait qu’il ne soit pas baptisé représente quelque chose d’important, aussi ? On sait que le Père de Foucauld cherchait à convertir les gens qui étaient incroyants et qu’il n’avait jamais réussi.

Père Ardura : Charles de Foucauld a vécu dans le Sahara entre des soldats français plus ou moins mécréants et des musulmans qui étaient très pratiquants. C’est un des aspects propres de Charles de Foucauld qui se dit « le Frère universel ». Nous avons-là un miracle qui précisément est en faveur de quelqu’un qui n’est pas baptisé. Donc, c’est toute la coïncidence des temps et des lieux qui conduit à voir dans cet événement une réponse aux prières qui ont été faites à l’occasion du centenaire de Charles de Foucauld. J’ajoute que, dès que l’on a connu l’accident, sans connaître l’identité de la victime, sans connaître son réel état de santé, son employeur a immédiatement envoyé des sms à toutes ses relations, sa femme aussi, d’ailleurs, à toutes leurs relations, pour demander de prier Charles de Foucauld dont c’était la fête. Il y a donc eu toute une convergence qui fait qu’on a pu attribuer à Charles de Foucauld le sauvetage de ce garçon.

RCF : Est-ce que l’on peut d’ores et déjà l’appeler « saint Charles de Foucauld » ?

Père Ardura : Non, parce qu’il faut qu’ait lieu la canonisation, qui est un acte du magistère du pape.

RCF : Alors, quand va se dérouler cette canonisation, cette cérémonie de canonisation du Père de Foucauld ?

Père Ardura : Personne ne le sait, parce que, comme vous le savez, nous traversons des conditions sanitaires un peu particulières. Habituellement, il y a deux cérémonies de canonisation au Vatican et la deuxième de l’année a lieu au mois d’octobre, ce qui veut dire que les diverses canonisations prévues devraient être soumises au jugement du consistoire des cardinaux que le pape réunit habituellement fin juin-début-juillet. Et à cette occasion, le pape, habituellement, indique la date de la canonisation. Mais pour l’instant, la date du consistoire n’est même pas fixée.

RCF : Évoquons un peu la figure du Père de Foucauld. Nous l’avons dit, c’est un ancien officier de cavalerie de l’armée française qui a passé un an à Saumur, qui a été explorateur aussi, pour le Maroc, qu’il a cartographié. Il a connu la conversion, a voulu rentrer dans les Ordres, créer une congrégation, avoir des disciples, en fin de compte ça ne s’est pas fait. C’est une spiritualité qui a largement essaimé : finalement, il a eu beaucoup de disciples après sa mort. Il avait une forte dévotion au Sacré-Cœur ; pouvons-nous en parler alors que nous approchons de cette fête ?

Père Ardura : Oui, tout à fait. Vous savez, il suffit de regarder les photos de Charles de Foucauld, surtout au début de sa vie dans le Sahara où il porte sur sa poitrine un cœur surmonté d’une croix ; et puis il a pour devise IESU CARITAS, Jésus Amour, autrement dit, lorsqu’il a opéré sa conversion, il a compris une chose, c’est qu’il était appelé par Dieu à se vouer entièrement à Lui pour L’aimer, après avoir pris conscience que Dieu l’avait aimé même avant sa conversion. Il est un peu, si vous voulez, comme saint Augustin : il découvre peu à peu, au moment de la conversion, qu’il a été aimé à un moment où il n’était pas encore aimable, et donc sa soif d’absolu, sa soif de don total se manifestent en particulier par son premier projet qui est de devenir moine trappiste à Notre-Dame-des-Neiges dans l’Ardèche ; c’est d’ailleurs ce qui explique que, n’étant pas devenu définitivement un trappiste, il restera prêtre diocésain de Viviers [NDLR : c’est pour ce diocèse qu’il avait été ordonné prêtre, en juin 1901, et il n’a jamais connu d’autre statut canonique ensuite.]
Dans la dernière partie de sa vie, partant à Tamanrasset, il se considérera comme un missionnaire isolé au Sahara. On a de lui une image un peu faussé, on parle parfois de l’ermite du Sahara ; il n’était pas du tout ermite, sinon qu’il habitait seul ; mais, il était continuellement en contact ou bien avec des soldats de la garnison ou bien avec les Français qui passaient par là ou encore avec les Bédouins. N’oublions pas que parmi ses travaux, il a fait beaucoup, en particulier, pour écrire la langue touarègue qui était une langue uniquement parlée.
Sa dévotion au Sacré-Cœur est une dévotion qui, en quelque sorte, incarne toutes ses aspirations, aspirations un peu comme celles de saint Augustin, je le répète, à vouloir faire de toute sa vie un don total. Et comme il se donne à Dieu, il ne peut pas faire autrement que vouloir aimer tous les hommes : c’est pourquoi il s’appellera lui-même « le Frère universel ». Nous sommes au mois de juin : je vous lis quelques lignes de notes qu’il a prises un 1er juin ; il dit :
« Aujourd’hui, le premier jour du mois de votre Cœur Sacré, ô Seigneur Jésus ; du mois où on célèbre votre amour, votre amour qui vous a fait vous incarner, naître, fuir en Égypte, vivre caché à Nazareth, jeûner au désert, prêcher l’Évangile, souffrir, mourir, vous montrer ressuscité pendant quarante jours, quitter la terre en la bénissant, envoyer le Saint-Esprit et rester enfin avec nous, jusqu’à la consommation des siècles, non seulement par votre grâce mais par votre présence réelle dans la sainte Eucharistie. » [NDLR : in Écrits spirituels de Charles de Foucauld, I. Considérations sur les fêtes de l’année, édition Nouvelle Cité, Paris 1987, page 419.]
Ainsi le culte de l’Eucharistie, l’adoration de l’Eucharistie, seront au centre de la vie du Bienheureux Charles de Foucauld durant toutes ces années passées au milieu du Sahara.

RCF : Et c’est sur cette belle prière que nous conclurons cette émission. Père Bernard Ardura, merci d’avoir été notre invité ce soir.

Père Ardura : Je vous en prie, c’est un grand plaisir de vous appeler de Rome qui commence à reprendre vie !

Source : rcf.fr/actualite/actualite-locale/
Transcription et mise en forme par "Les Amitiés Charles de Foucauld"